Du 12 janvier au 18 février 2022, Lucile Marsaux emménage…

Bio

C’est en leur qualité de liens entre les personnes que les objets s’imposent dans la pratique de Lucile Marsaux. En réinvestissant des objets de récupération, des archétypes et des savoirs faire artisanaux, elle explore les marqueurs qui ancrent chacun de nous dans le temps humain.

Après un DNSEP aux beaux-arts de Rennes option design, elle décide de poursuivre une exploration sensible de l’objet. S’éloignant de la question fonctionnelle, elle part en quête de la valeur mnésique et relationnelle de leur présence aux côtés des humains.

Pour son exposition Gravats, elle emploie plus particulièrement les techniques de la miniature. En créant de petites saynètes signifiantes, elle propose au regardeur un point de vue personnel et référencé sur des espaces rêvés, souvenus et reconstitués. En mêlant objets de récupération et récupération d’archétypes, elle interroge l’objet ancien et sa valeur de marqueur temporel.

Elle invite les visiteurs à se plonger avec tendresse dans des lieux encore hantés par les humains qui les ont désirés, bâtis puis habités.

L’expo

On entrouvre la porte. La lumière filtre à travers les particules en suspension.

Madame J danse dans l’air lourd. Elle s’affaire, virevolte entre les napperons et les bibelots. C’est aujourd’hui que l’on vient la chercher.

Elle est restée un long moment dans cette zone grise, la maison.

Maîtresse d’un temps à l’arrêt.

Seules les visites bimensuelles des voisins du village charriaient un peu d’air frais. Ils venaient arroser les plantes survivantes, faire couler de l’eau dans les tuyaux, vérifier que rien ne bouge. Ils appréciaient bien Madame J. Agiter la poussière entre ses meubles, remuer un peu tout ça, c’était passer quelques onguents sur sa disparition.

Ne pas l’abandonner à l’assourdissant silence.

Maintenant qu’elle a stoppé sa course, elle n’est plus vraiment impatiente. Elle sait que ses enfants viendront rouvrir la maison le moment venu. Ils feront se disperser la boîte aux souvenirs, ré-insuffleront vie et mouvement dans les anfractuosités de cet immense monstre mort.

En attendant elle gît paisible dans son logis empli de souvenirs.

Hier les enfants de Madame J ont pris un congé. Ils ont commencé par s’accoutumer à la lenteur en passant une journée calme chez la cadette. Leur voiture est pleine de cartons pliés, de sacs et de cabas, de vieux journaux. Elle attend sérieuse, dans le froid du petit matin, au fond de la contre allée. Attablés autour d’un copieux déjeuner, ils tentent d’aligner la vitesse de leurs mouvements à la vitesse de leur aïeule immobile. Madame J sait bien qu’ils seront toujours un peu rapides. La fougue de la jeunesse. Le trouble chagrin.

Qu’importe. Elle saura résonner plus fort que leur agitation.

Le cliquetis des clefs rebondit dans la maison vide.

Madame J souriante, entrouvre ses bras sur toutes les choses qui ont fait sa vie.

+ sur Lucile : Instagram et Base des artistes diplômés de l’EESAB